De Jean-Pierre Montignac

L’énergie a toujours été un facteur clé de la croissance de toute société. Le développement technologique des dernières décennies, et en particulier l’avènement des énergies renouvelables, a accentué cette tendance et provoqué une véritable course à la capture des meilleures sources d’énergie. Dans un marché en pleine expansion et de plus en plus concurrentiel, la question des « meilleures pratiques » est donc d’une importance capitale. En fait, les gagnants sont ceux qui sont capables de gérer des projets complexes dans les plus brefs délais, garantissant aux opérateurs des marchés libres et des équipements administratifs efficaces. L’un des pays émergents qui s’est distingué dans les investissements dans les énergies renouvelables est le Maroc. Africanmedias en a déjà parlé, soulignant que la ligne sur les énergies renouvelables indiquée bien à l’avance par le roi Mohammed VI a été un succès absolu. Depuis le début de son règne, le souverain alaouite a en effet placé les énergies renouvelables au centre de son action politique afin de garantir un avenir prospère et durable au Maroc et, surtout, indépendant de l’importation de sources d’énergie primaire.

En suivant la position de la ligne du roi, le projet de 800 millions d’euros pour la construction de la centrale solaire de Ouarzazate a été lancé en 2012 et est devenu aujourd’hui, avec la synchronisation réussie de la nouvelle centrale Noor Ouarzazate III, le plus grand complexe solaire opérationnel au monde. A cette centrale s’est ajoutée l’achèvement d’une autre série d’installations de production dont les centrales solaires Noor Laayoune 1 et Noor Boujdour 1 et le démarrage du programme éolien intégré de 850 MW, confié à Nareva, Enel Green Power et Siemens Gamesa, dont la première centrale – Midelt de 180 MW – est déjà en construction et la seconde – à Boujdour – devrait être lancée vers début 2020. En résumé, le Maroc peut certainement être décrit comme l’un de ces pays en développement qui a été le premier à comprendre la valeur stratégique et le potentiel d’un secteur tel que celui des énergies renouvelables et qui a investi massivement et efficacement.

Cependant, même le Maroc ne peut s’empêcher d’être confronté de manière critique à la question des « meilleures pratiques ». Globalement, le Maroc peut être indiqué comme un point de référence pour l’ensemble de l’Afrique pour la façon dont il a anticipé les temps (Mohammed VI a sans doute été un véritable précurseur) et comment il a pu financer les investissements et les réaliser en un temps record. Dans le même temps, le Gouvernement de Rabat doit toutefois comprendre que la nécessité de se doter de systèmes réglementaires et bureaucratiques efficaces constitue une condition préalable incontournable pour avoir de réelles perspectives de développement. Par exemple, les appels d’offres ont été lancés conformément aux normes internationales, ce qui est certainement positif. Mais nous devons maintenant suivre l’exemple des meilleurs pays et veiller à ce que les producteurs puissent vendre directement aux consommateurs. Pour ce faire, le Maroc doit disposer d’un système réglementaire transparent et efficace et d’un réseau de distribution avancé capable d’accueillir les meilleurs projets et les meilleurs opérateurs grâce à des processus de négociation transparents.

En d’autres termes, après un bon départ, le Maroc est maintenant appelé à faire un saut qualitatif, en particulier dans trois secteurs qui sont fondamentaux non seulement pour la croissance du secteur de l’énergie mais aussi pour le développement économique du pays : libre concurrence sur le marché, efficacité administrative bureaucratique, libre accès au réseau et aux clients par tous les IPP (Independent Power Producers) potentiels. Répétons-le, ce sont des défis qui touchent tout le monde, mais que dans un pays comme le Maroc, qui a fait des efforts considérables pour prendre le leadership continental en matière d’énergies renouvelables, sont d’autant plus importants qu’ils peuvent conduire alternativement le pays à la consécration définitive comme premier producteur continental ou à un déclin progressif.

L’histoire économique récente montre que l’innovation ne se développe que dans des contextes où il est possible de concourir librement, avec des appels d’offre ouvertes et des régimes d’allocation rapides, et où la machine bureaucratique est rapide et efficace. Le temps est en fait un facteur critique pour tout grand opérateur, de même que la certitude des droits et de la libre concurrence. Il s’agit là d’éléments de base sans lesquels il devient difficile de suivre un marché par définition mondial et, à ce titre, régi par des indices d’efficacité qui attirent ou repoussent les opérateurs.

Si l’on considère l’échiquier international en ces termes, des pays comme le Chili ou le Mexique viennent à l’esprit. Deux pays en développement qui, comme le Maroc, ont misé sur les énergies renouvelables tout en profitant du défi énergétique pour moderniser leur pays en offrant aux investisseurs et aux producteurs internationaux la possibilité d’opérer sur des marchés ouverts, où la libre concurrence est bien perçue et encouragée et où la bureaucratie administrative répond adéquatement.

C’est le véritable défi que doit relever aujourd’hui la classe dirigeante marocaine. Le chef du gouvernement, le ministère de l’Economie et des Finances, le ministère de l’Energie, des Mines et du Développement durable, et surtout l’ONEE, l’office national d’éléctricité et d’eau potable. C’est ce dernier, en effet, qui a la gestion du réseau entre ses mains et qui, avant tout, doit se battre pour l’application de la loi 13-09 de 2009, , qui a pour objectif la libéralisation progressive du marché, d’abord de la Haute Tension puis de la Moyenne/Basse Tension, mais qui pour l’instant a trouvé une application limitée au marché de la Haute Tension. En plus de l’ONEE, l’Agence marocaine pour l’énergie durable (MASEN), et tous les acteurs de la vie politique et économique du Maroc sont appelés à faire un effort supplémentaire pour donner au pays cet élan pour renforcer et affirmer son système énergétique à l’échelle internationale et concurrencer ainsi les meilleures nations. C’est un défi important, peut-être décisif : le Maroc, grâce à l’intuition de Mohammed VI, a commencé parmi les premiers et est en compétition pour être parmi les meilleures nations dans le domaine des énergies renouvelables. Pour maintenir cet élan, il sera nécessaire de déployer d’importants efforts et appliquer une politique capable de surmonter rapidement les mesures protectionnistes et les lenteurs bureaucratique .