Le Cap, 8 août 2017 (AFP)

L’avenir du président Jacob Zuma, critiqué dans son propre camp, se jouait mardi après-midi au Parlement sud-africain où les députés débattaient d’une motion de défiance, avant un vote à bulletin secret dont l’issue pourrait le contraindre à la démission.
Si la défiance est votée, le chef de l’Etat devra quitter ses fonctions qu’il occupe depuis 2009.
La motion, qui a été déposée par l’opposition, doit recueillir la majorité absolue des voix au Parlement (201 voix) où le Congrès national africain (ANC) de feu Nelson Mandela dispose de 249 sièges. Pour être adoptée, plusieurs dizaines de députés de la majorité doivent donc voter en faveur de la motion.
« Votez avec votre conscience et dégagez ce président (…) corrompu de son poste. Je vous supplie de placer les intérêts du peuple sud-africain en premier », a demandé aux députés Mmusi Maimane, le leader de l’Alliance démocratique, le principal parti d’opposition, à l’ouverture du débat.
« Si le président avait respecté son serment, nous ne serions pas là aujourd’hui. Arrêtez de vous leurrer: votre vote est secret, vous êtes seuls avec votre conscience », a renchéri Julius Malema, président des Combattants pour la liberté économique (EFF), un autre parti d’opposition.
Des députés ANC pourraient être tentés de franchir le pas de voter la défiance après la décision surprise lundi de la présidente du Parlement Baleka Mbete d’organiser le vote à bulletin secret, comme le réclamait l’opposition, et non à main levée, comme le veut la tradition.
Car depuis des mois, des voix s’élèvent publiquement au sein de l’ANC contre Jacob Zuma qui accumule les déboires et multiplie les scandales: récession, chômage record (27,7%), abus de biens sociaux, remaniement gouvernemental controversé, suspicion de favoritisme envers une richissime famille d’hommes d’affaires, revers historique de l’ANC aux municipales de 2016…
– « Vote contre la corruption » –
Des vétérans du parti, dont des camarades de lutte de Nelson Mandela, ont dénoncé mardi « le comportement rapace de ceux au pouvoir », appelant à mots couverts à voter en faveur de la motion de défiance.
Le parti communiste, allié de l’ANC au gouvernement, a demandé la démission du président, sans donner de consigne de vote.
Une députée de l’ANC, Makhozi Khoza, qui a reçu le mois dernier des menaces de mort après avoir annoncé qu’elle voterait contre le président, n’a pas eu peur lundi de réitérer sa position. « Un vote de défiance n’est pas un vote contre l’ANC, c’est un vote contre la corruption », a-t-elle assuré, confirmant qu’elle voterait en faveur de la motion.
Dans ce climat tendu, l’ANC s’est voulue rassurante. « On ne peut pas voter avec l’opposition pour changer de gouvernement. On doit se battre pour l’unité de notre parti. Cette motion, comme toutes les autres, échouera », a affirmé le chef du groupe parlementaire de l’ANC, Jackson Mthembu.
Jacob Zuma, dont le mandat expire en 2019, a déjà survécu à trois propositions de vote de motions de défiance depuis 2015 et de nombreux scandales, ce qui lui vaut le surnom de « président aux neuf vies ».
– Manifestations –
En amont du débat dans l’hémicycle, quelque milliers de partisans et d’opposants à Jacob Zuma ont manifesté dans le calme au Cap, la capitale parlementaire, selon des journalistes de l’AFP. Quelques centaines d’anti-Zuma sont aussi descendus dans les rues de Pretoria pour réclamer le départ du chef de l’Etat.
Le scrutin doit être organisé dans la foulée du débat avec des bulletins papier et non par voie électronique pour respecter le secret du vote.
Dans le cas où Jacob Zuma tomberait, la présidente du Parlement prendra la tête du pays pour une durée maximale de 30 jours, période pendant laquelle les députés devront élire un nouveau chef de l’Etat.
Selon les analystes, il est cependant peu probable que la motion soit adoptée.
« L’obstacle n’est pas mince », explique l’analyste Peter Attard Montalto. « Des petits partis vont s’abstenir ou voter avec l’ANC, ce qui signifie que plus de 60 députés de l’ANC devraient voter la motion (pour qu’elle soit adoptée). C’est un scénario qui ne devrait pas se produire », prédit-il.
Si « Zuma survit à ce vote à bulletin secret, il sortira renforcé, et sa faction au sein de l’ANC également », ajoute l’analyste Daniel Silke interrogé par l’AFP.
L’ANC, au pouvoir depuis la fin officielle de l’apartheid en 1994, est en proie à une guerre de clans entre les pro-Zuma et les réformistes pourfendeurs de la corruption, à cinq mois de l’élection de son nouveau leader.